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rations vers la liberté sans limites ; l’insurrection a un caractère nettement anarchiste : « N’appelez personne votre maître, » telle est la profession de foi formulée dans un cri de guerre. « Ni Dieu ni Maître ! » proclameront, dix-huit siècles et demi plus tard, de nouveaux anarchistes.

La révolte est écrasée, mais ses idées subsistent : « Un mépris extraordinaire de la vie, dit Renan[1], ou, pour mieux dire, une sorte d’appétit de la mort, fut la conséquence de ces agitations. L’expérience ne compte pour rien dans les mouvements fanatiques. L’Algérie, aux premiers temps de l’occupation française, voyait se lever, chaque printemps, des inspirés qui se déclaraient invulnérables et envoyés de Dieu pour chasser les infidèles ; l’année suivante, leur mort était oubliée et leurs successeurs ne trouvaient pas une moindre foi. »

Il est à remarquer que tous les grands mouvements sociaux ont été précédés et accompagnés de troubles psychiques. À l’approche de ces commotions, quelque chose d’indéfinissable flotte dans l’air qui déséquilibre les cerveaux. Les jacqueries du moyen âge ont eu leurs sorciers, leurs extatiques, leurs miracles même, car le miracle n’est souvent que la simple manifestation d’un phénomène physiologique : impressionnabilité des nerfs, puissance intuitive de l’imagination, pénétration magnétique des individus. La Révolution française est précédée d’un demi-siècle de scènes étranges, dignes

  1. Vie de Jésus, chap. III.