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les aspirations confuses des chrétiens. Esprit méthodique, il disciplina le mouvement qui, de social et moral, devint peu à peu politique et théologique. Cela est indéniable : Jésus avait fixé l’axe du christianisme à Jérusalem, la ville sainte par excellence ; Paul au contraire, le transporte à Rome, la païenne et la dissolue : pourquoi ? C’est qu’il est pénétré de cette idée qu’il faut attaquer l’ennemi dans son foyer. C’était la tactique des Annibal et des Scipion.

De Jésus à Paul, il y avait la différence du poète au mathématicien. Le premier, nature très peu juive, avait entrevu, comme dans un rêve, l’universel embrassement des hommes sous le ciel bleu : il avait glorifié cet idéal dans des discours attendris, sans se mettre jamais en mesure de le réaliser par la force ou par l’astuce ; les aptitudes guerrières ou politiques lui faisaient totalement défaut. Il aimait le peuple, d’ailleurs, vivait de sa vie et ne cherchait pas à lui imprimer une direction quelconque. Paul avait les qualités et les défauts des autoritaires ; doué d’une éducation soignée, il tenait en pitié un peu hautaine, la masse livrée à l’ignorance la plus grossière et peut-être les disciples de Jésus eux-mêmes qu’il dépassait de toute la hauteur de son esprit. Il fut amené à exercer une véritable dictature et à organiser une discipline qui devait, avec le temps, engendrer une hiérarchie tout à fait théocratique.

Mieux que tous ses prédécesseurs, il avait compris que le mouvement chrétien ne pouvait réussir qu’à la condition d’être généralisé. Il entreprit des