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Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/50

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gouffrent par de nombreux vomitoires : les quatre étages s’emplissent instantanément. En attendant que le spectacle commence, tous les yeux se fixent vers le pulvinar, emplacement auguste où s’élève la loge de l’empereur. César est là, pâle et distrait, un sourire cruel crispe ses lèvres. Autour de lui, veille une garde immobile de soldats germains aux longs cheveux blonds ruisselant sous leurs casques d’airain.

La salle : une houle humaine d’où s’élèvent murmures, rumeurs, vociférations ; un émergement de têtes et de bras, types de toutes sortes : l’Italien aux membres robustes, le Grec au fin profil, l’Africain basané, le Syrien au nez recourbé. En haut, surplombant les gradins, sous des loges tendues d’or et de pourpre, une fleur de noblesse : chevaliers, sénateurs, centurions, longues toges et armes étincelantes. Çà et là, d’idéales nudités tranchant par leur albâtre sur la rouge sombreur de la salle.

Le spectacle commence : sur l’arène défile une troupe d’hommes voués à la mort et qui, prosternés devant la loge impériale, entonnent le chœur lamentable des martyrs : « César, ceux qui vont mourir te saluent. » Ces hommes sont des chrétiens, des philosophes frondeurs, des esclaves rebelles : leur agonie distraira l’oisiveté du peuple-roi. D’une porte grillée, subitement entr’ouverte, s’échappent des lions aiguillonnés par le belluaire. La lumière les aveugle : un moment ils s’arrêtent, ils hésitent ; puis, d’un bond, les voilà sur leur proie vivante. Pendant quelques instants, ce n’est qu’un furieux tournoiement de poussière au milieu duquel appa-