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Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/75

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centimes de notre monnaie, un poulet treize francs, la livre de viande près de trois francs. « C’est à dix as par jour, s’écrient dans Tacite les soldats révoltés, qu’on estime notre vie ; c’est là-dessus qu’il faut s’acheter des habits, des armes, des tentes, payer les congés qu’on obtient et fléchir la rigueur barbare du centurion. » Le soldat, voyant toutes réclamations inutiles, fut amené à recourir au suprême moyen, la révolte, et, dans cette voie, il donna l’exemple aux populations.

L’entrée de nouveaux éléments avait, d’ailleurs, entièrement transformé les armées romaines et détruit leur homogénéité ! D’un côté, elles étaient, à partir d’Auguste, devenues permanentes et mises, autant que possible, hors de contact avec les civils. Ne fallait-il pas que l’empire, nouvellement instauré sur les ruines de la république, pût trouver des hommes d’une obéissance aveugle, n’ayant aucun intérêt commun avec leurs concitoyens ? On fut soldat pour la vie et, alors même que l’homme, rompu par l’âge et les fatigues, était devenu impropre au service actif, il dut continuer à habiter hors de la ville, dans des cantonnements où vivaient les familles des vétérans, formant tout un peuple soumis à une discipline et à des règlements militaires. Ces vétérans, abêtis par une longue habitude de l’obéissance, ne connaissaient que l’empereur. Pour satisfaire un de ses caprices, ils eussent mis l’univers à feu et à sang[1].

  1. C’était à peu près l’analogue de nos gendarmes et gardes municipaux, qui, dans toutes les répressions, se sont montrés plus féroces contre le peuple que l’armée elle-même.