Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/86

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broyés entre les anciens maîtres et les conquérants nouveaux, se tordaient dans une agonie épouvantable. C’est ainsi que s’opérait une fusion des races, qui devait infiltrer dans les veines appauvries un sang nouveau et constituer, sur les ruines de l’empire auguste, l’Europe féodale.

Des forêts germaines, des marécages baltiques sortaient, non pas des armées, mais des peuples entiers. Guerriers aux armes primitives, vêtus de peaux de bêtes, puant la graisse et l’huile rance, femmes aux haillons malpropres, enfants nus et crasseux, chefs, prêtres, valkyries, esclaves, également sauvages et dépenaillés, le tout cheminant à pied, à cheval, dans des chariots attelés de bœufs. C’était un exode du monde gothique allant se heurter au monde romain.

Sous Probus, quatre nations franchirent le Rhin et s’installèrent en Gaule dans soixante-dix villes. Les habitants laissèrent faire : ces maîtres-là ou d’autres, que leur importait ! Et lorsque l’empereur accourut refouler l’invasion, ils ne bougèrent pas davantage. Au fond, Probus leur sut gré de cette neutralité, — pouvait-on leur demander plus — et, pour les en récompenser, leur permit la culture de la vigne.

Neuf années se passent. Le duel émouvant se poursuit ; de temps en temps, un empereur disparaît de la scène. Les ambitions et les mécontentements font la vie courte aux pasteurs d’hommes. Tout à coup, la bagaudie se réveille, plus vivante que jamais : Dioclétien a cru arrêter la décadence impériale par des lois, et ces lois, qui multiplient les gouverneurs, les magistrats, les employés, qui écrasent de plus