Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/484

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recherche de la vérité et nous consolent plus agréablement dans les peines que nous y trouvons que les passions les plus justes et les plus raisonnables. La vanité, par exemple, nous agite beaucoup plus que l’amour de la vérité, et l’on voit tous les jours que des personnes s’appliquent continuellement à l’étude lorsqu’elles trouvent des gens à qui elles puissent dire ce qu’elles ont appris, et qui l’abandonnent entièrement lorsqu’elles ne trouvent plus personne qui les écoute. La vue confuse de quelque gloire qui les environne lorsqu’elles débitent leurs opinions leur soutient le courage dans les études même les plus stériles et les plus ennuyeuses. Mais si par hasard ou par la nécessité de leurs affaires elles se trouvent éloignées de ce petit troupeau qui leur applaudissait, leur ardeur se refroidit aussitôt ; les études même les plus solides n’ont plus d’attrait pour elles : le dégoût, l’ennuí, le chagrin les prend, elles quittent tout. La vanité triomphait de leur paresse naturelle, mais la paresse triomphe à son tour de l’amour de la vérité ; car la vanité résiste quelquefois à la paresse, mais la paresse est presque toujours victorieuse de l’amour de la vérité.

Cependant la passion pour la gloire se pouvant rapporter à une bonne fin, puisqu’on peut se servir pour la gloire même de Dieu et pour l’utilité des autres de la réputation que l’on a, il est peut-être permis à quelques personnes de se servir en certaines rencontres de cette passion comme d’un secours pour rendre l’esprit plus attentif. Mais il faut bien prendre garde de n’en faire usage que lorsque les passions raisonnables dont nous venons de parler ne suffisent pas, et que nous sommes obligés par devoir à nous appliquer à des sujets qui nous rebutent. Premièrement, parce que cette passion est très-dangereuse pour la conscience ; secondement, parce qu’elle engage insensiblement dans de mauvaises études, et qui ont plus d’éclat que d’utilité et de vérité ; enfin, parce qu’il est très-difficile de la modérer, qu’on en serait souvent la dupe, et que, prétendants éclairer l’esprit, on ne ferait peut-être que fortifier la concupiscence de l’orgueil, qui non seulement corrompt le cœur, mais répang aussi dans l’esprit des ténèbres qu’il est moralement impossible de dissiper.

Car on doit conšidérer que cette passion s’augmente, se fortifie et s’établit insensiblement dans le cœur de l’homme, et que lorsqu’elle est trop violente, au lieu d’aider l’esprit dans la recherche de la vérité, elle l’aveugle étrangement et lui fait même croire que les choses sont comme il souhaite qu’elles soient.

Il est sans doute qu’il ne se trouverait pes tant de fausses inventions et tant de découvertes imaginaires, si les hommes ne se lais-