Aller au contenu

Page:Malherbe - Œuvres poétiques de Malherbe, éd. Blanchemain, 1897.djvu/94

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
73
ODE X

A loüer les vertus des hommes ;
Et dans Paris, en mes vieux ans,
Je passe en ce devoir mon temps,
Au malheureux siecle où nous sommes.

Mais, las ! la perte de mon fils,
Ses assassins d’orgueil bouffis,
Ont toute ma vigueur ravie ;
L’ingratitude et peu de soin
Que montrent les grands au besoin
De douleur accablent ma vie.

Je ne desiste pas pourtant
D’estre dans moy-mesme content
D’avoir bien vécu dans le monde,
Prisé (quoique vieil abbatu)
Des gens de bien et de vertu ;
Et voila le bien qui m’abonde.

Nos jours passent comme le vent ;
Les plaisirs nous vont décevant,
Et toutes les faveurs humaines
Sont hemerocalles d’un jour :
Grandeurs, richesses et l’amour
Sont fleurs perissables et vaines.

Nous avons tant perdu d’amis
Et de biens par le sort transmis