Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1186

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’eux et dans le monde entier, ils s’imaginaient que toute chose était douée d’une vie pareille à la leur*. C’est ainsi que chacun crut que le soleil et les étoiles, les fleuves et les cours d’eau pouvaient voir, sentir et penser, brillaient ou se mouvaient à leur guise. Une particularité qui s’impose spécialement à notre attention, quand nous comparons les légendes des differents pays, c’est la ressemblance entre leurs traits les plus importants; qui n’en est parfois même que la répétition. Quelle est la conclusion à tirer de ce fait, sinon que les légendes de toutes ces nations ont une seule source commune ? Et quelle est cette source ? Les mots et les phrases usités par les anciennes tribus pour parler de ce qu’elles voyaient, entendaient ou sentaient dans le monde situé autour d’elles. Si ces paroles avaient trait au décor ou au jeu de la vie de chaque jour, peut-être se demandera-t-on comment elles ont pu donner naissance à des histoires de géants et de nymphes ou d’autres êtres non réels. Voici. Comme le temps marcha, et que les peuples se séparèrent, le vieux sens s’oblitéra, totalement ou partiellement. Je le répète : tant que ces antiques peuplades demeurèrent au même lieu, il n’y eut pas à craindre que les termes qu’elles employaient pour parler entre elles fussent mal compris; mais le temps alla, les tribus se dispersèrent. Quelques-unes errèrent au sud, d’autres au nord et à l’ouest; et il arriva que toutes gardèrent les noms donnés jadis au soleil et aux nuages et à toute chose, alors que la signification de ces noms était presque perdue**. Pour résumer ce qui précède, je dirai que la Mythologie est simplement le recueil des on-dit par lesquels les hommes d’autrefois se contèrent tout ce qu'ils voyaient ou entendaient dans les pays où ils vécurent. Cette explication ou clef qui nous a ouvert presque tous les arcanes de la Mythologie, n'est placée entre nos mains, par la science, que depuis quelques années. Nous percevons donc, nous autres modernes, mieux que ne le firent les peuples classiques, combien, dans leur forme primitive, ces on-dit étaient naturels en même temps que dotés d'une beauté et d'une vérité merveilleuses***. Maintenant passons aux preuves. Toutes se résument en ce fait que beaucoup de noms qui en grec et en latin n’ont aucune signification, sont parfaitement intelligibles dans d’autres langues, qui les conservent plus voisins de leur origine. Que d’exemples! c’est en fouie qu’ils viennent à la mémoire de qui a étudié les auteurs classiques. Ces noms, Argynnis, Phoronée et

  • Extrait d’une Préface de Cox.
    • Extrait d’une Préface de Cox.
      • Extrait, en partie, d’une Préface de Çox,