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Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1206

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donna une pierre à avaler à son mari : Zeus naissait et était nourri dans la caverne de Dicté ou sur l’Ida. Expliquons ce nom de Zeus; il se trouve dans la mythologie hindoue. Zeus y est Dyaus, le dieu du ciel brillant ou du ciel spirituel, d’un mot qui signifie briller. Les contes d’autres nations admettent cette divinité. Comme les Hindous parlaient de Dyaus-pitar, et les Grecs de Zeus-pater, ainsi les Latins et les Romains, l’appelaient Jupiter, qui signifie « pc.re Zeus ». Les vieux Hauts-Allemands le connaissaient sous le nom de Zio. Quant au sens primitif du nom, le voici : le ciel bleu pur, la demeure de la lumière située loin et au-dessus des nuages ou de tout cc qui peut en ternir la pureté. Étymologie qui explique la fable grecque, car elle nous montre pourquoi Jupiter est né dans la caverne de Dicté, un de ces mots désignant l’approche de la lumière, tout comme la Délos, où naquit Phoibos, est la terre brillante. Revenons à l’histoire du dieu : les actes attribués à Zeus, quand il fut en possession de toute sa force, sont nombreux. Il délivra les Cyclopes du Tartarc, puis obtint la coopération des géants aux cent mains dans sa guerre contre les Titans. Selon l’histoire suivie par Eschyle, il fut aidé aussi par Prométhée, fils de Deucalion, avec le secours de qui il détrôna Cronos; mais, fâché plus tard contre son allié, qui enseigna l’usage du feu aux hommes, il l’enchaîna sur les rocs déchirés du Caucase. L’empire de Cronos fut divisé. Quelques histoires veulent que les Cyclopes aient donné à Zeus la foudre, et à ses frères Hadès et Poséidon le casque et le trident; les trois dieux, ayant reçu ces dons, tirèrent au sort, et la souveraineté du ciel échut en partage à Zeus, celle de la mer à Poséidon, et celle des régions inférieures à Hadès. Qui étudie le caractère de Zeus dans les poèmes homériques, l’y voit dépeint çà et là de façons si différentes, qu’il croira certes à deux mythes appelés de ce nom. Quelquefois représenté comme partial, injuste, ami du plaisir et de l’oisiveté, changeant dans ses affections et infidèle dans son amour, glouton, sensuel et impur, le dieu, en des heures de peine réelle et de chagrin, apparaît à Achille et à d’autres achéens qui l’implorent et le prient, plein non seulement d’une puissance irrésistible, mais encore de justice et de droiture. Si l’on compare les diverses mythologies, il n’est pas impossible de se rendre compte de ce contraste. Voyons : le mot indien Dyaus semble avoir été originairement le nom de l’unique être sacré, et les Grecs et d’autres peuples apparentés le gardèrent pour exprimer tout ce qu’ils ressentaient à l’égard de la divinité. Mais comme le mot signifiait encore le Ciel visible avec ses nuages et ses vapeurs, quelques-unes des phrases qui parlaient des variations du firmament, en vinrent à indiquer, quand leur signification