Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1304

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demanda-t-elle en colère. — « De grâce, mignonne dame, ne vous fâchez pas trop », répliqua la vieille, humblement. « Errante, j'allais par le bois à la recherche de mon chien, que m’a volé quelque méchant garçon; et, quasiment aveugle, je ne puis trouver mon chemin, pour en sortir. Je ne vous aurais pas vue, sans un rayon de soleil qui pénétra ces arbres et montra, dans l’ombre, un visage d’enfant : aussi me suis-je enhardie à vous demander si, par bonté, vous voudriez me conduire hors du bois. » — « Oh! ma bonne femme », répondit la Princesse avec mépris, « il vous faut vraiment trouver quelqu’un d’autre qui vous aide à sortir du bois; vous n’avez point le droit d’y être et c’est même en délinquante que vous vous présentez à moi. Cependant soyez sûre que vous trouverez quelqu’un pour vous montrer le chemin : je suis occupée, excusez-moi. » Ce disant, Blanehe se jeta de nouveau sur son siège de verdure; elle se remit avidement à sa lecture, pendant que la pauvre vieille poussait un profond soupir, et s’en retournait, chancelant dans sa marche. Ce long soupir, triste en quelque façon, hanta l’oreille de Blanche et l’empêcha de continuer à prendre autant d’intérêt à son livre; mais, la conscience frappée, elle essayait de lire davantage et d’oublier l’importune vieille. Il était, cependant, dans sa destinée d’être dérangée ce jour-là, car, point longtemps après, une vive lumière tomba en travers de son livre; et, levant les yeux pour voir d’où cela venait, l’enfant surprit une belle fée habillée en un vêtement d’or et de joyaux, dont le brillant éclat semblait l’envelopper comme d’un flamboiement de lumière. S’apercevant que la Princesse n’avait pas le courage de lui adresser la parole, la Fée parla ; « Vous êtes bien solitaire, mignonne dame, en ce bois épais. J’ai, en passant là, observé que vous étiez seule, et, n’ayant, quant à moi, aucun goût pour la solitude, j’ai pensé que vous aussi vous aimeriez à être en ma compagnie. Je sais trouver mon ehemin pour sortir du bois, mais préfère aller en société. Voulez-vous venir ? » La princesse sauta debout, dans son gai empressement à obliger la Fée, fermant aussitôt son livre; elle était ravie de faire la connaissance d’une si étincelante personne, tout en répondant avec des rires : « Règle générale, j’adore la solitude et ne permets à personne de me déranger dans mon vallon; mais aujourd’hui vous êtes ma seconde visite, et celle-là si charmante que je ne puis vous refuser. » La Fée sourit, secouant la tête et disant : « Ah! petite Princesse, vous savez tenir de jolis discours quand cela vous plaît. » Puis elle tendit la main à Blanche et toutes deux ensemble cheminèrent pendant quelque temps en silence, la Princesse étonnée et se demandant