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Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1327

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« Eh bien ! camarade, voici quelque chose comme une rude nuit d’hiver, hein ? » frappant ses mains l’une contre l’autre. « Un peu pénible pour votre dame, j’imagine ; elle n’a pas l’air plus forte que cela. » — « Nous ne serions pas dehors, comptez dessus, si nous avions un toit pour nous abriter », répondit Thomas, assez rudement. « Nous étions juste en train de songer à entrer là, pour y avoir un peu de chaleur », montrant le Palais de la Boisson; « mais ma Catherine a peur de ces sortes de palais; il y a d’ordinaire une assez vile engeance là dedans, dont la rencontre n’est nullement agréable à une femme respectable. » — « Vous avez bien raison », s’exclama l’homme, regardant Catherine d’un air approbateur : « ce sont des antres d’iniquité, que les honnêtes gens doivent fuir. Mais comment se fait-il que vous soyez dans un pareil embarras ? » — « Une maladie traînant toujours, la fièvre, nous en a réduits là », dit Thomas; « et je n’ai pas encore la force nécessaire pour retourner à ma besogne. Je pourrais bien faire de petits ouvrages à la tâche, quoique je me sente pareil à un vieillard, toute ma force m’ayant quitté. » — « Ah! il y a un beau lot de souffrance au monde! » affirma la nouvelle connaissance, sympathiquement. « Voyons, braves gens », ajouta l’étranger, reprenant son allure joyeuse, « s’il vous plaît de venir à la maison avec moi, j’ai une chambre modeste et une brave et maternelle hôtesse, qui s’occuperait de votre dame et du nourrisson; et, moi, je puis très probablement vous mettre sur la voie de gagner quelque chose. » — « Merci de tout cœur, Monsieur », fit Catherine, répondant pour sa part; et, en conséquence, ils accompagnèrent leur nouvel ami à son logement, le cœur plus léger à mesure qu’ils allaient, car Espoir, là tout près, marchait à leur côté. « Arrivés à destination, on les introduisit dans une chambre chaude, où flambait un feu clair, l’hôtesse étant précisément occupée à nettoyer Pâtre. Cette personne leva les yeux à leur entrée, et s’écria : « Je commençais à croire que vous ne veniez pas souper à la maison, Monsieur Bon-Secours! » — « J’espère que nous ne sommes pas en retard, Madame Plaisant », répliqua le guide; « du moins, avons-nous tous bon appétit. Comme vous le voyez, j’ai amené du monde à souper, et je désire que vous laissiez à ces braves gens notre chambre vacante. » Cette requête parut surprendre un peu Madame Plaisant, étant faite en faveur de gens aussi minables; mais elle 11e se hâta pas moins de servir le souper, d’aspect bien tentant pour Thomas et Catherine. Après y avoir copieusement goûté. Monsieur Bon-Sccours offrit une pipe à Tom, et lui demanda de conter son histoire, pendant que Catherine sc retirait dans sa chambre, faite toute jolie