Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1406

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Mais il est mort, vos prières ont été exaucées ! Oh ! maintenant vous ne pleure^ plus, vous avez repris votre visage radieux et vous le menez à la demeure éternelle ! Bienheureux celui-là, car depuis son berceau jusqu'à sa tombe il a suivi les conseils de son bon ange. Un Ange de plus au Paradis. Quant aux deux poèmes qui suivent, ils ont été adressés, de Sens, par S. Mallarmé, collégien, à son camarade A. Espinas, lycéen à Paris. A MON AMI A. ESPINAS Ami, je te donne une heure, en attendant mieux ? Rien qui ne m’ennuie plus que ces réponses, aussi pardonne-moi la faiblesse de celle-ci. Une autre fois je t’enverrai une pièce sur un sujet quelconque ayant queue et tête, ce qui manque à ces quatrains. Tu sauras que Pépita est la courtisane, et Ismaël un vieux Juif, qui meurt sous les coups de Fosco. Le tout dans ma pièce de PÉPITA je lisais tes beaux vers — ton cceur me fit écho, Tu trouves jade aussi la classique tisane — Ce soir-là, je chantais un corsaire, Fosco, Roi des mers, qui mieux est, roi d’une courtisane. Te vieux Juif Ismaël déjà lançait son or Aux flots noirs, et mourait maudissant son étoile, Et Pépita la pâle, aux pleurs donnant essor, Pour la vie a couvert ses tresses d’or d’un voile ! Tous deux à l’espérance avaient fermé leur cceur ! Oh ! l’espoir ! Cette brise au frais parfum qu’un ange Souffle sur notre caur, comme sur une fleur, Qui lui donne la vie et des chagrins le venge ! Et je te vois comme eux, voguant sur ton esquif, Interroger le flot, l’âme grosse d'alarmes, ! navigue en riant et nargue le récif ! Sur des autans douteux ne verse point de larmes ! Eh ! quoi faudrait-il donc s’endormir en son nid Quand hurle le mistral qui peut vous casser l’aile ? Parce que le soleil, en aveuglant, punit, Faut-il baisser les yeux sans ravir l’étincelle ?