Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1430

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de la Grenade entr'ouverte) ne diffère guère de celui de l'Artiste pour les tercets reproduits. A. Thibaudet disait du texte des Poètes Maudits : « Sans doute ce texte était-il lui-même retouché et en suppose-t-il un premier qui nous rendrait, si nous l’avions, la comparaison plus intéressante. » Dans la revue Art et Critique (ire année, n° 13, 24 août 1889), la réimpression du texte définitif du Guignon était accompagnée de cette lettre : « Valvins, 20 août 1889. « Mon Cher Confrère, « qui voulez bien me demander quelque chose pour cette excellente et haute publication Art et Critique, voici un poëme paru dans les Poètes Maudits, si différent de ce que je l’ai refait, depuis, presque mot après mot, vraiment qu’il ne peut pas laisser incurieux le lecteur instruit au texte premier. « Je vous suis de loin avec une absolue sympathie. « Stéphane MALLARMÉ. » Ce poëme atteste très visiblement la double influence de Théophile Gautier et de Baudelaire. Très justement, dans son ouvrage la Poésie de Stéphane Mallarmé, page 274 {Nouvelle Revue Française, éd.), Albert Thibaudet a noté : « Le Gtdgnon est un poëme en terça rima. Gautier avait, pour le même sujet, employé le même rythme dans Ténèbres. Le Guignon a été conçu presque certainement comme une suite et une contrepartie de Ténèbres. » On sait que dans le préambule à la traduction de la Genèse d'un Poème d’Edgar Poe, Baudelaire a dit : « Ténèbres, ce chapelet de redoutables concetti sur la mort et le néant, où la rime triplée s’adapte si bien à la mélancolie obsédante. » Dans la bibliothèque laissée par Stéphane Mallarmé se trouve un exemplaire des Poésies Complètes de Théophile Gautier, Albertus, la Comédie de la Mort, Poésies diverses, Poésies nouvelles : Paris, Charpentier, 1860 qui porte de la main de Mallarmé, sa signature et la date : décembre 1859. En lisant ce volume, on est surpris de n’y relever aucun signe annonciateur de la première manière mallarméenne, excepté, précisément, dans cette seule pièce, Ténèbres, qui révèle une filiation patente. Le Guignon reproduit, avec une sorte d’involontaire imitation, le mouvement et le vocabulaire mêmes de Gautier, lorsque celui-ci dit : Ils tettent librement la féconde mamelle : La Chimère à leur voix s'empresse d'accourir Et tout l'or du Pactole entre leurs doigts ruisselle. Les autres moins aimés ont beau tordre et pétrir Avec leurs maigres mains la mamelle tarie Leur frère a bu le lait qui les devait nourrir.