Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1457

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Que veut cette médaille idiote, ris-tu ?
L’argent brilla, le cuivre un jour se vert-de-grise,
Et je suis peu dévot et je suis fort têtu,

Choisis. — jetée ? alors, voici ma pièce prise.
Serre-la dans tes doigts et pense que tu l’as
Parce que j'en tiens trop, ou par simple méprise.

C'est le prix, si tu n'as pas peur, d'un coutelas.

Une autre version, datant de 186^, fut citée au cours du meme article, et empruntée à un petit carnet de cuir.


A UN MENDIANT Pauvre, voici cent sous... Longtemps tu cajolas, — Ce vice te manquait, — le songe d'être avare ? Ne les enfouis pas pour qu'on te sonne un glas. Évoque de l'Enfer un péché plus bigarre, Tu peux ensanglanter tes brumeux horizons D'un rêve ayant l'éclair vermeil d'une fanfare : Changeant'en verts treillis les barreaux des prisons Qu'illumine l'azur charmant d'une éclaircie, Ee tabac fait grimper de sveltes feuillaisons ; E'opium est à vendre en mainte pharmacie: Veux-tu mordre au rabais quelque pâle catin Et boire en sa salive un reste d’ambroisie, T’attabler au café jusqu'au triste matin f Ees plafonds sont fardés de faunesses sans voiles, Et l’on jette deux sous au garçon, l’ail hautain. Puis quand tu sors, vieux dieu, grelottant sous tes toiles D'emballage, l’aurore est un lac de vin d'or, Et tu jures avoir le gosier plein d’étoiles ! Tu peux aussi, pour bien gaspiller ton trésor. Mettre une plume rouge à ta coiffe; à compiles Brûler un cierge au saint à qui tu crois encor. Ne t'imagine pas que je dis des folies : Que le Diable ait ton corps si tu crèves de faim, Je hais l’aumône utile et veux que tu m’oublies ; Et surtout, ne va pas, drôle, acheter du pain !*

  • Cette version, qui est celle d’un manuscrit (coll. H. Doucct), existe dans une autre copie autographe (coll. H. Mondor) sous le même titre, avec deux variantes :

Str. 1, vers 3 : Ne les enterre pas... Str. 5, vers 1 : ... jusqu’au jaune matin ?