Aller au contenu

Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1505

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Mon cher Maître, « Permettez-moi de venir vous soumettre une petite remarque au sujet du sonnet que vous avez bien voulu m’envoyer et qui est destiné à prendre place dans les Cantiques d’Amour. Si vous vous le rappelez, je vous avais communiqué un dessin qui avait pour titre et sujet : les Baisers ; le sonnet remis par vous ayant pour titre : Bain, nous dûmes faire traiter les Baisers par un autre pocte, décidant néanmoins, par respect pour votre talent, de publier en supplément votre poésie. Or, c’est ici que je prends la liberté d’élever deux objections qui sont les suivantes : i° Le titre et le sujet de Bain s’éloignent, nous semble-t-il, du caractère meme du recueil qui, son titre l’indique, est exclusivement consacré à l’Amour. — 2° Votre sonnet, par suite des raisons précitées, n’étant pas accompagné d’une illustration, devrait être, pour ainsi dire, une sorte de conclusion des douze chants en question, qui tous, comme je vous le disais, ont pour objet l’idylle éternelle. « Permettez-moi donc de venir vous demander, Monsieur et cher Maître, si vous voudriez bien prendre la peine de nous favoriser d’un nouveau sonnet conçu dans l’esprit que je viens de vous faire connaître, et ce, aussitôt qu’il vous serait possible, l’impression de l’album n’étant plus retardée que par cette circonstance. Dans cet espoir, je vous prie d’agréer, etc... » A cette lettre se trouvait joint le brouillon, au crayon et de la main de Mallarmé, de la lettre suivante : « Monsieur, « Je me rappelle avoir jeté les yeux sur l’image que vous me remîtes, où le jeune calicot qui apparaît, devant un étang, me semble, tout autant qu’à lui prodiguer des baisers, inviter sa collègue de rayon à risquer un bain; en outre, votre interprétation si spéciale et un peu directe pourrait n’ètre pas conforme à mes habitudes ni à mon âge. « Je prolîte, à l’instant, du malentendu pour adresser ces quatorze vers à une publication d’art qui me sollicitait, et je n’ai qu’à gagner. « Je retire donc le sonnet et décline votre flatteuse proposition de paraître, en treizième, pour résumer l’envoi de mes confrères : aussi je sais peu faire, principalement refaire, sur commande. « Ce n’est qu’un très petit accident où, croyez-le, je le dis pour vous rassurer, ma susceptibilité n’est pas en jeu ; je n’en conserve pas moins précieusement votre lettre. « Agréez mes sentiments. S. M. » Cette lettre, d’une insidieuse ironie, fut-elle envoyée par le poëte, nous ne le savons pas : mais tout porte à croire que cette demande émanant du journal avait dû être faite à l’instigation de Catulle Mendès; et il est hors de doute que ce sonnet intitulé Bain est celui qui, en novembre 1894, c’est-à-dire immédiatement après