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Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1572

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trouvons, là aussi, devant une « page oubliée » et reprise par la suite, ou devant la création d’une époque, — celle du Toast funèbre, — où le poëte commençait à adopter le style de ses derniers ouvrages. 11 nous paraît impossible d’apporter une précision plus grande à la chronologie de ces douze poëmes. On trouvera plus loin, sur chacun d’eux, quelques indications historiques et bibliographiques. Si même la publication de deux de ccs poëmes en prose dans le numéro du 2 juillet 1864 de la Semaine de Cusset et de Vicby n’était précédée de la dédidace : A Charles Baudelaire, on ne pourrait douter que ces poëmes en prose, de même qu’un certain nombre des premières poésies de Mallarmé, ne soient nés de sa ferveur baudelairienne. On peut seulement s’étonner que le désir de rivaliser avec Baudelaire dans ce domaine soit né aussi tardivement que 1864, car ce dut être des 1861 que Mallarmé put lire pour la première fois quelques-uns des Petits poëmes en prose. Baudelaire en publia neuf, cette année-là, dans le numéro de novembre de la Revue fantaisiste qu’avait fondée quelques mois plus tôt le tout jeune Catulle Mendès. Si peu répandue que fût cette revue qui n’allait pas tarder à disparaître, elle ne passa pas inaperçue de Mallarmé et nous savons qu’il souhaita même y collaborer : une lettre de Catulle Mendès décline aimablement l’envoi de certains Bals masqués dont nous ne savons que le titre et que Mallarmé avait envoyés. Il devait donc, à cette époque, quoiqu’il fût à Sens et loin de tout milieu littéraire, ne pas perdre de vue une publication à laquelle il espérait prendre part. Au cours de 1862, Baudelaire publia, dans la Presse, en août et septembre, vingt poëmes en prose, dont six de ceux qui avaient paru dans la Revue fantaisiste ; puis huit ou neuf autres, dans la Revue Nationale et le Boulevard entre juin et décembre 1863 ; c’est-à-dirc alors que Mallarmé se trouvait à Londres. Avide comme il était alors de tout ce qui touchait Baudelaire, et en contact avec un fervent baudelairicn comme Cazalis qui habitait Paris, il est peu probable qu’il n’ait pas été averti de l’apparition de ces trois numéros de la Presse qui contenaient entre autres poëmes en prose, le Confiteor de P Artiste, "Étranger, le Mauvais vitrier, le Vieux saltimbanque, un Hémisphère dans une chevelure et l'invitation au voyage dont les thèmes ne pouvaient que rencontrer une résonance profonde dans l’esprit du jeune admirateur de l’auteur des Fleurs du Mal. On sait que les Petits poëmes en prose en leur ensemble ne parurent qu’en 1869, c’est-à-dire près de deux ans après la mort de leur auteur; mais la dédicace du recueil, à Arsène Houssaye, si importante, avait paru dans la Presse dès août 1862. Mallarmé ne dut pas rester indifférent à la question qu’y posait Baudelaire : « Quel est celui de nous qui n’a pas, dans ses jours d’ambition, rêvé le miracle d’une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter aux mouve-