Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/642

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

La splendeur d’un empire se prodiguait aux cérémonies du swayambara. Les rois, à l’heure dite, se pressaient sous l’arcade extérieure à un colossal amphithéâtre. Soutenue de colonnes d’or, une estrade porta tous les prétendants. A voir, planant sur la foule, leurs robustes bras noueux comme des massues, des coiffures bouclées, d’arqués sourcils, les pendants d’oreille alourdis de pierreries, moins que les yeux, étincelant, on eût rêvé de grands lions parés se rassemblant sur la montagne. Damayantî se montra la dernière, suivie de deux files de cent femmes l’une formant son cortège habituel : toutes avec des diaprés parasols ou des écharpes versicolores en signe de joie, levés comme pour une danse. Une fureur d’admiration surgit devant la princesse, plus miraculeuse que jamais. Aucun prétendant qui à ce moment osât faire un vœu pour son compte : chacun s’oubliait; il fallut la proclamation magnifiée par les trompettes, du nom de ces rois pour qu’isolément, ils vinssent défiler, aux pieds de la précieuse enfant. Ici se produisit un incident étrange. Les dieux, usant de ruse, prirent tous quatre la forme de Nala : et cinq figures, la même, passèrent au regard que préparait la jeune fille. Angoisse et comment s’y reconnaitre ! Damayantî, en cette occasion, adressa aux dieux un appel entendu; qui d’une âme si pure et d’un si fervent élan les toucha. Voici qu’aussitôt elle les distingue avec les caractères qui leur sont propres : exempts de poussière et de sueur, le regard immobile et le corps ne touchant pas terre*; lui, Nala, avec ses deux pieds au sol, son ombre sur le sable allongée, clignait des yeux, le front humide de transpiration et ses couronnes flétries. La charmante marcha vers le héros et, d’un gracieux embarras, lui jeta une guirlande autour du cou. Ainsi se déclara le choix de la vierge royale, aux applaudissements répercutés de la foule vaste et lointaine saluant le vainqueur; tandis que les dieux, confus, partirent, en riant ironiquement. Noces immédiates, magnifiques, on célébra le sacrifice du cheval, toutes les offrandes d’usage exhalèrent leur parfum aux divinités; malgré que dans le fond de

  • Selon les Hindous, l’œil des dieux reste toujours ouvert sans clignement, leurs pieds ne touchent pas le sol et leur corps ne fait pas d’ombre.