Page:Mallarmé - Notes sur le théâtre.djvu/39

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rendre au spectacle avec son Âme — with Psyche, my soul[1] : qu’est-ce ! si tout se complique, selon le banal malentendu d’appliquer comme par nécessité sa pure faculté de jugement à l’évaluation de choses entrées déjà censément dans l’art ou de seconde main, bref à des œuvres.

La Critique, dans son intégrité, n’est, n’a de valeur, ou n’égale la Poésie à qui elle apporte une noble opération complémentaire, que si elle vise directement et superbement aussi les phénomènes ou l’univers : mais à cause de cela, soit de sa qualité de primordial instinct placé au secret de nos replis (un malaise divin), cède-t-elle à l’attirance du théâtre qui ne doit que montrer une représentation à l’usage de ceux n’ayant point à voir les choses à même ! de la pièce écrite au folio de nature ou du ciel et mimée avec le geste de ses passions, par l’Homme.

À côté de lasses erreurs qui se débattent, voyez ! déjà l’époque apprête la surprise de telle transformation plausible ; ainsi ce qu’on appela autrefois la critique dramatique ou le feuilleton, qui n’est plus à faire, abandonne très correctement la place au reportage des premiers soirs, télégrammatique ou sans éloquence autre que n’en comporte la fonction de parler au nom d’une unanimité de muets. Ajoutez l’indiscrétion, ici les coulisses, riens de gazes ou de vie attrapés entre les chassis en canevas à la hâte mis pour la répétition, délice d’une multitude où chacun veut être dans le secret de quelque chose ne fût-ce que de la redite perpétuelle, et voilà ce qu’au théâtre peut consacrer la presse de fait-divers. Le paradoxe de l’écrivain supérieur longtemps fut, avec des fugues ou points d’orgue imaginatifs, se le rappelle--

  1. Ulalume (strophe II) par Edgar Poe.