Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/138

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nell et Delphine, et patronne le jeune Salvandy. Les invités assurent le succès des compositions de la maîtresse de la maison. Ils mettent à la mode O pescatore dell’onda ; le célèbre baryton Martin triomphe dans les savantes variations de cette « barcarolle vénitienne ». Après le concert, on danse, et Hippolyte Auger fait valser les treize printemps de la blonde et grasouillette Delphine Gay.

La jeune fille sort de la pension tenue, 59, rue des Martyrs, par Mme Clément, avec le concours de Mme Allix et Richer, et où le célèbre Blangini fut professeur de musique. À douze ans, Delphine y apprenait l’harmonie. Sans doute pour travailler le soir, elle réclamait à son père une chandelle qu’il lui expédie avec ce mot : « Je t’ai envoyé, chère Delphine, la chandelle si désirée et si attendue. Puisse-t-elle faire briller avec éclat ton talent, et employer utilement les moments qu’il te faut dérober à la tendresse de ta mère et de ton père ! Ainsi soit-il ! » Elle apprend par cœur Racine et Boileau, des poésies allemandes et italiennes. Son père est un admirateur passionné de Racine, et toujours elle se rappela sa voix aimée qui les lui disait avec flamme. Lorsqu’elle sera femme, elle verra en Racine un ami d’enfance : elle ne le juge pas, elle l’aime. Peut-être est-ce à la pension de Mlle Clément qu’elle reçut, avec Isaure, sa sœur cadette, les leçons de ce fameux maître d’écriture, dont pendant plus de deux ans la perruque « aux reflets ondoyants, mêlés de pourpre et d’or », servit de pâture à sa gaîté.

   Cette perruque-là, c’était tout un poème ;
   Ses malheurs surpassaient ceux d’Hécube elle-même !…