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de Matignon où l’on se borne à débiter des potins et des gaillardises ; celui de la vieille princesse de Poix, qui n’a jamais émigré, où les mêmes personnes, à quelques absences près, se retrouvent quotidiennement depuis quarante ans ; il se rattache directement à la société du temps de Louis XV ; on y est enthousiaste et sensible pour les moindres choses ; le moindre mot un peu heureux provoque des applaudissements manuels, la moindre histoire attendrissante fait couler des torrents de larmes. On s’exclame au nez des gens : « Qu’elle est charmante !… Qu’il a d’esprit ! »

Il est des salons doctrinaires, studieux et raisonneurs, où sur un ton grave l’on discute longuement de politique ou de littérature. Il en est enfin d’aristocratiques, au sens étymologique du mot, « où règne d’une manière prédominante le goût de l’esprit et du savoir, où les hommes de toute opinion, distingués dans les lettres et les arts, sont accueillis avec un empressement marqué, où la politique proprement dite n’est admise que sous la condition du talent, où le gouvernement représentatif est fort bien venu, à cause de ses orateurs, mais où la littérature française et étrangère, la poésie, les sciences, l’érudition même, pourvu que la forme en soit piquante et curieuse, ont toute faveur[1]. Là, un poème de Byron, une méditation de Lamartine font événement, et Chateaubriand découvre et baptise

  1. Villemain : Souvenirs contemporains d’histoire et de littérature, Paris, 1854, in-8o, p. 455. — Daniel Stern : Mes Souvenirs, p. 289. — Sainte-Beuve : Portraits de femmes, p. 62. — Mme de Boigne, née d’Osmond : Récits d’une tante. Mémoires, Paris, 1907, quatre volumes in-8o, III, 3, 13.