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prise et cherche à réaliser ces qualités dans ses propres œuvres. Sophie Gay, charitable, déclare que chercher des défauts au tableau de Girodet, c’est en chercher dans les vers de Racine. Girodet écoute, la mine déplorable ; il fait peine à voir ; la fièvre le consume ; Larrey l’a condamné ; la condamnation ne portera effet que dans cinq ans.

Dans ses pérégrinations à travers le monde parisien, il arrive même à Sophie Gay de grimper au quatrième étage où perche l’appartement de garçon de Coulmann ; ce soir-là, elle laisse Delphine à la maison. De sa verve intarissable, elle anime la soirée. Auguste Odier a crayonné en guise d’invitation une lithographie fantaisiste. Sur la proposition de Jouy, on s’assied sur le tapis, parce qu’il n’y a pas de chaises pour tout le monde. On entend Dupaty lire avec énergie son poème des Délateurs, Liszt jouer du piano, Vatout donner la réplique à Mlle Duchesnois dans une scène de Phèdre, un couteau à papier servant de poignard sans troubler le pathétique de la situation ; Viennet, enfin, que sa voix magnifique fera choisir en 1830 pour lire au duc d’Orléans la charte à laquelle il doit prêter serment, déclame un fragment de son « Épître aux rois de la Chrétienté sur l’indépendance de la Grèce »[1].

Les salons que nous venons de traverser forment le cadre le plus habituel de la vie de Sophie Gay. Dans d’autres, elle passe, tout en courant les premières, voire les avant-premières, au théâtre, dans les ateliers d’artistes, partout où la vie parisienne

  1. Coulmann : Réminiscences, I, 282, III, 15-22.