Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/172

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Mme Récamier de venir chez moi entre trois et six heures entendre chanter à Mme Damoreau des romances nouvelles de Rossini. Si M. de Chateaubriand était aussi aimable qu’il peut l’être ! vous comprenez ! Sophie Gay. » La princesse de Chimay arbore une mise quelque peu recherchée, mais paraît dix ans de moins que son âge ; son visage coloré et plein s’éclaire du regard séduisant de ses yeux de velours ; quelle douceur, quelle finesse dans sa physionomie, quel charme dans toute sa personne ! l’âge ne la touche pas. Seule, la peau de ses bras a rougi.

Sigismond Gay fait parfaitement les honneurs de chez lui. Après avoir reçu dans la journée de vieux académiciens et de jeunes littérateurs, sa femme préside le soir chez elle les réunions où Soumet lit sa tragédie de Saül, où Lamartine soupire le Lac, où Vigny récite Dolorida. La terreur littéraire est à la mode : H. de Latouche donne ici la primeur de sa Vallée-aux-Loups, dont les proses et les poèmes font frissonner l’auditoire. Il faut entendre, après le spectacle, ce cercle de causeurs instruits et spirituels ! La maîtresse de la maison « prend partout le combustible, et ne laisse jamais éteindre le feu sacré ». Thiers, jeune et ardent, récemment débarqué de son Midi la bourse vide, mais le portefeuille garni d’une lettre de recommandation pour Manuel sur laquelle il saura édifier sa fortune, s’amuse fort de cette parole vive, mordante, vantarde. Il l’excite à raconter ses succès aux différentes époques de sa vie. « Elle avait été au bal de M. de Chateaubriand, non sans quelque protestation de la part de