Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/174

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D’ordinaire, son escrime originale, ses pointes acérées font sauter l’épée des mains de l’adversaire. Aux prises avec Villemain, ou Salvandy, ou Benja min Constant, elle est une éblouissante antagoniste. Elle ne résiste pas au plaisir de décocher un mot piquant. Talma s’étant fait exactement la tête de Napoléon pour jouer Sylla, et la pièce devant à ce détail la plus grande part de sa vogue, Sophie Gay, amie de l’auteur, s’écrie :

— C’est un succès de perruque !

Elle lance des mots à l’emporte-pièce contre ceux dont elle sent l’hostilité. On se répète celui-ci, à propos d’un académicien qu’elle aima et qui lui préféra une femme très riche : « Il est aimable, mais il est cher ». Et cet autre, sur un poète qui décrocha une pension avec une épître : « Je ne le vois plus depuis qu’il a des rapports avec le ministre de l’Intérieur ». Celui-là se vengea. En dépit de son admiration pour M" de Staël, elle ne peut se tenir de définir Coppet : « Cette prison des beaux esprits, où tout ce qui ne fait ni prose ni vers est obligé de réciter en plein théâtre, pour l’amuse ment d’un parterre suisse ». À Viennet qui déprécie le talent de Lamartine, elle réplique : « Allons, vous allez en faire le dernier des poètes, mais, grâce à Dieu, la place est prise ». Quels ennemis ne suscitent pas des traits pareils, de ceux qui ne pardonnent jamais !

Or cette femme mordante, parfois cruelle, se montre envers ses amis affectueuse, indulgente, ingénieuse à leur plaire. Elle comprend leurs douleurs, se montre pitoyable, obligeante, opiniâ-