Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/180

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Ce récit est certainement bien arrangé pour produire son effet. Biré n’en admet pas la véracité, à cause de l’écart des dates entre la première du Maître de chapelle et le mariage de Hugo. Cependant, Mme Ménessier-Nodier atteste la pudibonderie du poète à cette époque en décrivant le voyage de son père et de Victor Hugo, jeune marié, à Reims, pour les fêtes du sacre de Charles X : tous deux ne parviennent à souper et à se loger que chez le directeur du théâtre, avec la troupe ; Hugo s’y résigne avec une telle répugnance, que Nodier lui dit :

— Votre avenir m’inquiète, mon pauvre Victor. Vous êtes terriblement jeune, et j’ai peur que vous ne soyez terriblement vertueux !

D’autre part, ce trait n’est sûrement pas inventé : au cours du dîner chez Mme Duchesnois, loin de s’étonner de la figure de collégien de l’auteur des Odes et Ballades, Sophie Gay s’est écriée qu’elle a une fille à peine adolescente, Delphine, qui compose aussi des odes admirables, et elle projette une soirée où ces deux enfants de génie diront des vers tour à tour. Soumet entraîne Hugo chez Mme Gay, dont la jeune fille accueille fraternellement le poète[1].

Et en vérité, à ce moment même, Delphine se révélait.

  1. Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie, Bruxelles-Paris, 1863, deux volumes, in-8o, II, 46, 55. — E. Biré : Victor Hugo avant 1830, Paris-Nantes, 1883, in-12, p. 267. — Mme Ménessier-Nodier : Charles Nodier, Paris, 1867, in-18, p. 265.