Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/183

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château de Lormois. Le château se dresse emmi le parc, non loin de l’église. Lui seul est défiguré, et l’on ne saurait sans doute retrouver dans ses dépendances la chaumière de Lormois où Delphine s’isolait parfois pour écrire, et d’où elle data plusieurs de ses poèmes.

Il faut aller là par une belle journée d’automne, lorsque le soleil dore les vignes et que les premières feuilles commencent à tomber des peupliers. L’atmosphère est douce, à peine embuée d’une brume impalpable qui enlève aux contours des choses ce que leurs lignes pourraient avoir de dur ou de tranchant. Le ciel est bleu, du bleu léger de l’Ile-de-France. On se sent au cœur du pays de l’équilibre et de l’harmonie. Les souvenirs d’un lointain passé jaillissent de la ligne onduleuse d’un coteau, de l’épaisseur d’une frondaison, d’une pierre grise où le maître tailleur d’images, le franc et sincère artiste médiéval, fixa sa pensée d’un coup de ciseau. Ils baignèrent les premières rêveries de celle qui s’intitula la Muse de la Patrie.

À la tombée du jour, l’or des feuillages s’avive. Les brumes montent de la rivière, étendant un voile de gaze blanche et diaphane sur la prairie, et peuplant de mystère les bois épais qui s’assombrissent. Au loin, la vieille tour haut perchée sur la motte seigneuriale grandit encore à l’horizon, avant de s’évanouir dans l’ombre. La première étoile s’allume. La pâleur du clair de lune va se glisser en flèches d’argent parmi les troncs des arbres qu’elle stylise en imposantes colonnades. Une émotion intense se dégage des choses.