Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/188

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» Delphine. — Je ne suis pas une demoiselle ; mon rang est fixé ; je ne me marierai jamais. Je peux tout dire, surtout quand je suis chez moi. Dans le monde, je me tiens dans les bornes, je garde le silence.

» Vatout. — Casimir Delavigne ne vous ressemble pas, lui : c’est une demoiselle.

» Mme  O’Donnell. — Delphine, tu es absurde. Voilà comme nous perdons tous nos amis ; et pour qui ? pour Soumet, qui ne vient pas seulement nous voir, et nous néglige.

» Delphine. — Il n’en est que plus beau de le défendre.

» Vatout sort en disant à Mme O’Donnell. — Au moins, écrivez cela à Rambouillet. »

Soumet y est bibliothécaire. Cette querelle n’empêche pas Delphine de rendre par ailleurs justice à Vatout ; elle déclare ne pas connaître d’homme plus spirituel ; et c’est alors son ami H. de Latouche qui corrige quelque peu ce jugement en comparant Vatout à un papillon en bottes à l’écuyère[1].

La scène, prise sur le vif, met à nu plusieurs des caractéristiques du tempérament de Delphine : son ardeur à défendre ses amis, sa passion pour les choses de l’esprit, et surtout son assurance, cette assurance imperturbable dont elle ne se départira jamais, qui l’empêchera de discerner ses propres ridicules — car il lui arrive d’en avoir — alors qu’elle découvre si aisément ceux des autres, mais qui sera pour elle en toutes circonstances un étai

  1. Coulmann : Réminiscences, I, 327 et suiv. — Sainte-Beuve : Lundis, XI, 155.