Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/189

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inébranlable, un puissant soutien, en somme, une grande force.

À peine un an après sa première élégie, elle se risque à un « chant ossianique sur la mort de Napoléon », qu’elle dédie à la comtesse Bertrand. Une épigraphe tirée de Mme de Sévigné voisine étrangement avec Ossian, Fingal, et la quincaillerie calédonienne présentée au public par Baour-Lormian ; double tendance subie par Delphine : l’une infligée par la mode, l’autre inhérente à sa nature. Elle se livre au courant du jour, mais, comme sa mère, elle se nourrit des lettres de Mme de Sévigné, et des grands classiques français.

En 1821, l’Académie française indique pour sujet du concours de poésie : « Le dévouement des médecins français et des sœurs de Sainte-Camille dans la peste de Barcelone ». Bercée dès l’enfance dans le luxe fin de l’esprit, excitée par sa mère à toutes les ambitions, élevée sur les genoux des académiciens, Delphine tente la partie. Elle a dix-sept ans. Elle ne traite pas complètement le sujet : ainsi en cas d’échec, elle se ménage une excuse ; et si son poème obtient un succès, elle en aura quand même le bénéfice moral.

Elle dit les vers, elle lit la prose avec art, intelligence et goût, d’une voix grave, bien timbrée, prenante. Aux soirées de sa marraine la marquise de Custine, elle lit des fragments d’Atala et des Martyrs. Chateaubriand daigne certains soirs se mêler à ses propres admirateurs, et Mme de Custine n’oubliera jamais l’émotion que Delphine provoque dans son salon en lisant la Lettre d’Amélie à René.