Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/190

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Mme Récamier met à contribution ce talent de la jeune fille. Il y a grande réunion à l’Abbaye-aux-Bois. Entre autres célébrités, on remarque ce soir là le duc Mathieu de Montmorency, la maréchale Moreau, le prince Tufiakin, Mme Bernadotte dont le patronyme s’efface devant son titre de reine de Suède, Catellan, le comte de Forbin, Parseval de Grandmaison, Baour-Lormian, Ampère, Gérando, Ballanche, le baron Gérard. La conversation s’engage sur la poésie dont tout le monde parle, « un vrai chef-d’œuvre de sensibilité », la Pauvre Fille, de Soumet. Soumet, le maître, l’ami de Delphine. Sûrement, elle sait cette poésie par cœur. À la prière de Mme Récamier, elle la récite « avec une grâce, une justesse d’inflexions, un sentiment vrai et profond » qui tiennent l’auditoire sous le charme. Ravie de ce succès, Sophie Gay dit à mi-voix à Mme Récamier :

— Demandez à Delphine de vous dire quelque chose d’elle.

La jeune fille esquisse un geste de refus ; la mère insiste ; Mme Récamier craint d’exposer à la critique d’un aréopage difficile et pas toujours bienveillant, un talent dont elle n’a pas la moindre idée. Mais Sophie Gay n’en démord pas ; les personnes présentes joignent leurs instances aux siennes et à celles de Mme Récamier, que l’exemple a fini par entraîner. Delphine se lève, et dit « d’une façon enchanteresse » le poème qu’elle vient de composer et d’envoyer au concours de l’Académie. Dans ce salon où Lamartine a initié les amis de Mme Récamier, bien avant le grand public, à ses premières