Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/20

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veux blancs et soyeux ; de longues « anglaises » encadraient sa figure. Seul le nez, qui rougissait, ne s’accordait pas à l’harmonie de l’ensemble, par sa couleur sinon par sa forme ; mais on ne tardait pas à oublier cette légère disgrâce, et pour ma part je ne m’y arrêtai jamais.

Mme  Labarre avait les manières distinguées, sans affectation, des personnes qui ont longtemps fréquenté le meilleur monde. Elle parlait purement, et visait à s’exprimer en un français rigoureusement correct. Elle soulevait de longues discussions sur la propriété ou l’impropriété de certains mots, et choisissait ses expressions. Elle invoquait l’usage du monde, l’autorité de l’Académie française, les décisions de Littré, et, pour la prononciation, s’en rapportait aux artistes du Théâtre-Français, qui faisaient loi. Elle parlait l’italien, vantait la musicalité de cette langue, et se flattait de la prononcer sans défaut.

L’âge modifiait peu à peu le timbre de sa voix ; ma mère me dit qu’elle fut dans sa jeunesse une cantatrice applaudie à Paris. Elle refusait habituellement de se faire entendre. Une seule fois, elle chanta dans une église ; je me rappelle un contralto magnifique, généreux et chaud, mais qui tendait à quelque raucité ; on me vanta l’excellence de la méthode, la netteté de l’articulation, la voix bien posée. Elle partageait fréquemment notre repas du soir.

J’ouvrais toutes grandes mes oreilles, et tous grands mes yeux, car ainsi l’on écouté mieux, pour ne rien perdre de sa conversation charmante, spirituelle, semée de pointes, nourrie de souvenirs, illustrée d’anecdotes dont certaines fleuraient bon le dix