Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/301

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reçoit un portrait de Nisida qu’elle a tracé de mémoire, et une poésie, le Départ, où elle livre le secret de son sentiment pour lui :

Pourquoi de son départ être si malheureuse ?…
Je n’en ai pas le droit.

Elle s’interroge : quel est ce sentiment « qui dépasse en ardeur l’amitié la plus tendre, et qui n’est pas l’amour » ? C’est l’attrait de deux cœurs exilés de leur sphère et qui se sont reconnus. Le champ de la pensée est leur commun asile ; entre eux, la gloire est un lien :

    On parle à son ami des chagrins de la terre ;
    On confie à l’amour le Secret d’un instant ;
    Mais, au poète aimé, l’on redit sans mystère
        Ce que Dieu seul entend !

Lamartine n’a jamais répondu à ce sentiment, cependant très pur, que par une amitié toute simple. Leurs âmes ne vibrent pas exactement à l’unisson. De là une légère désharmonie, assez douloureuse au cœur de Delphine pour que, dans son testament, elle n’ait pu en retenir l’expression. Il a promis une réponse en vers. À la fin du mois d’août, elle témoigne ses regrets de n’avoir pas à lire, à répéter, ces vers qu’elle attend avec impatience pour se consoler et s’encourager : elle n’a jamais été moins inspirée qu’en ce moment. Lamartine ne viendra-t-il pas bientôt à Paris ? Il lui tarde, dit-elle, de s’entendre annoncer « le monsieur qui a un chien ». Il répond de Montculot : son poème n’est pas au point, ne le satisfait pas. Quelques jours plus tard, il confesse l’avoir écrit depuis six semaines ;