Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/321

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À qui lui reproche de ne pouvoir chanter l’amour sans rêver la gloire, elle réplique :

    Toi qui sais mon secret, ma harpe, défends-moi.

Et à qui la blâme de sa froideur et de sa légèreté : ne faut-il pas être gaie quand même dans ce monde frivole, où elle cherche en vain qui pourrait lui plaire ?

    Livrerai-je mon cœur à ce bel indolent ?
    Suivre ou donner la mode est son premier talent.
    D’opales, de rubis, sa parure étincelle.
    Et c’est en s’admirant qu’il me dit : « Qu’elle est belle ! »

Celui-là, un lion, se considérerait comme déshonoré s’il ne portait des habits de chez Staub, des pantalons de Blin, des gilets de Blanc, un chapeau de Gibus, des bottes de Sakosky et une canne de Marcadé. Ses préoccupations intellectuelles ne vont pas au-delà. Quel compagnon pour une femme de la trempe de Delphine ! Elle continue la revue :

    Dois-je lui préférer ce jeune ambassadeur,
    Qui prend la gravité pour de la profondeur,
    Qui met toute sa gloire à contraindre son âme,
    Et sa diplomatie à tromper une femme ?

Puis, que dites-vous de ce portrait piquant et les tement troussé, pour lequel Thiers a posé en pied ?

    Séduite par l’espoir de succès éclatants,
    Faut-il choisir enfin ce tribun de vingt ans,
    Rhéteur ambitieux, sévère par système,
    Qui maudit sa jeunesse auprès de ce qu’il aime ;
    Qui déjà, s’apprêtant à défendre nos lois,
    Sur les moindres sujets veut exercer sa voix,
    Et, rêvant au conseil sa future importance,
    Fait en parlant d’amour des essais d’éloquence ?