Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/96

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Des chiffons, on passe au théâtre. Picard devrait bien varier son répertoire :

— Ne trouvez-vous pas que ses continuelles satires contre les parvenus sont passées de mode ?

Normande, Sophie Gay répond :

— Je crois qu’il donne demain une pièce nouvelle.

— En savez-vous le titre ?

« J’allais le dire… quand un instinct femelle m’arrêta tout à coup », a-t-elle écrit. La pièce s’appelait : la Femme de quarante-cinq ans. Or, Joséphine arrivait à cet âge où l’on a besoin du mystère de la toilette pour réparer des ans l’irréparable outrage[1]. Picard, en affichant ce titre, manque de tact. À la représentation, Sophie voit de sa loge la figure de l’impératrice se contracter à chaque plaisanterie lancée contre la femme de quarante-cinq ans. Elle préférerait ne pas avoir à donner son opinion, mais par son chambellan Joséphine l’invite à venir dans son salon après le spectacle. « À peine avais-je fait mes révérences, que l’impératrice me dit avec un sourire tant soit peu amer :

» — Eh bien, madame Gay, comment trouvez-vous la pièce nouvelle ? Moi, je ne saurais la juger. On devrait conseiller à Picard de ne la jouer que devant des femmes de vingt-cinq ans.

» — Il me semble, madame, qu’il y pourrait comprendre celles qui ne paraissent pas en avoir davantage.

» Cette flatterie assez mal tournée me valut un regard affectueux. »

  1. Baronne de V[audey] : Souvenirs du Directoire et de l’Empire, p. 64.