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Page:Malot - En famille, 1893.djvu/260

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EN FAMILLE.

Heureusement aucun de ceux qui passèrent par là ne s’avisa de les enlever, et quand la journée finie elle revint à la haie, après avoir laissé passer le flot des ouvriers qui suivaient ce chemin, elles étaient à la place même où elle les avait cachées.

Comme elle ne pouvait pas plus faire du bruit dans son île que de la fumée, ce fut dans la carrière qu’elle s’établit, espérant trouver là les outils qui lui étaient nécessaires, c’est-à-dire des pierres dont elle ferait des marteaux pour battre le fer-blanc ; d’autres plates lui serviraient d’enclumes, ou rondes de mandrins ; d’autres seraient des ciseaux avec lesquels elle le couperait.

Ce fut ce travail qui lui donna le plus de peine, et il ne lui fallut pas moins de trois jours pour façonner une cuiller ; encore n’était-il pas du tout prouvé que si elle l’avait montrée à quelqu’un, on eût deviné que c’était une cuiller ; mais comme c’en était une qu’elle avait voulu fabriquer, cela suffisait, et d’autre part comme elle mangeait seule, elle n’avait pas à s’inquiéter des jugements qu’on pouvait porter sur ses ustensiles de table.

Maintenant pour faire la soupe dont elle avait si grande envie, il ne lui manquait plus que du beurre et de l’oseille.

Pour le beurre, il en était comme du pain et du sel ; ne pouvant pas le faire de ses propres mains, puisqu’elle n’avait pas de lait, elle devait l’acheter.

Mais pour l’oseille elle économiserait cette dépense par une recherche dans les prairies où non seulement elle trouverait de l’oseille sauvage, mais aussi des carottes, des salsifis qui tout en n’ayant ni la beauté, ni la grosseur des légumes cultivés, seraient encore très bons pour elle.