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SANS FAMILLE

J’aurais bien voulu interroger Vitalis, mais je n’osais pas, tant il se montrait sombre, et, dans ses communications, bref.

Un jour enfin il daigna prendre place à côté de moi, et, à la façon dont il me regarda, je sentis que j’allais apprendre ce que j’avais tant de fois désiré connaître.

C’était un matin, nous avions couché dans une ferme, à peu de distance d’un gros village, qui, disaient les plaques bleues de la route, se nommait Boissy-Saint-Léger. Nous étions partis de bonne heure, c’est-à-dire à l’aube, et après avoir longé les murs d’un parc, et traversé dans sa longueur ce village de Boissy-Saint-Léger, nous avions, du haut d’une côte, aperçu devant nous un grand nuage de vapeurs noires qui planaient au-dessus d’une ville immense, dont on ne distinguait que quelques monuments élevés.

J’ouvrais les yeux pour tâcher de me reconnaître au milieu de cette confusion de toits, de clochers, de tours, qui se perdaient dans des brumes et dans des fumées, quand Vitalis, ralentissant le pas, vint se placer près de moi.

— Voilà donc notre vie changée, me dit-il, comme s’il continuait une conversation entamée depuis longtemps déjà, dans quatre heures nous serons à Paris.

— Ah ! c’est Paris qui s’étend là-bas ?

— Mais sans doute.

Au moment même où Vitalis me disait que c’était Paris que nous avions devant nous, un rayon de lumière se dégagea du ciel, et j’aperçus rapide comme un éclair, un miroitement doré.