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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 1.djvu/295

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SANS FAMILLE

— Il faut que je me repose un peu, dit-il, je n’en puis plus.

Une porte s’ouvrait dans une palissade, et au-dessus de cette palissade se dressait un grand tas de fumier monté droit, comme on en voit si souvent dans les jardins des maraîchers ; le vent, en soufflant sur le tas, avait desséché le premier lit de paille et il en avait éparpillé une assez grande épaisseur dans la rue, au pied même de la palissade.

— Je vais m’asseoir là, dit Vitalis.

— Vous disiez que si nous nous asseyions, nous serions pris par le froid et ne pourrions plus nous relever.

Sans me répondre, il me fit signe de ramasser la paille contre la porte, et il se laissa tomber sur cette litière plutôt qu’il ne s’y assit ; ses dents claquaient et tout son corps tremblait.

— Apporte encore de la paille, me dit-il, le tas de fumier nous met à l’abri du vent.

À l’abri du vent, cela était vrai, mais non à l’abri du froid. Lorsque j’eus amoncelé tout ce que je pus ramasser de paille, je vins m’asseoir près de Vitalis.

— Tout contre moi, dit-il, et mets Capi sur toi, il te passera un peu de sa chaleur.

Vitalis était un homme d’expérience, qui savait que le froid, dans les conditions où nous étions, pouvait devenir mortel. Pour qu’il s’exposât à ce danger, il fallait qu’il fût anéanti.

Il l’était réellement. Depuis quinze jours, il s’était couché chaque soir ayant fait plus que force, et cette dernière fatigue arrivant après toutes les autres, le