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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/153

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SANS FAMILLE

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été de mise avec des questions comme celles qui se rapportaient aux clefs ou aux bémols : cela s’appliquait tout simplement à la musique, à la théorie de la musique ; j’étais professeur de musique, professeur de solfège, je devais répondre ou je perdais, je le sentais bien, mon autorité et mon prestige ; or, j’y tenais beaucoup à mon autorité et à mon prestige.

Alors, quand je ne savais pas ce qu’il y avait à répondre, je me tirais d’embarras comme l’oncle Gaspard, quand lui demandant ce que c’était que le charbon de terre, il me disait avec assurance : c’est du charbon qu’on trouve dans la terre.

Avec non moins d’assurance, je répondais à Mattia, lorsque je n’avais rien à lui répondre :

— Cela est ainsi, parce que cela doit être ainsi ; c’est une loi.

Mattia n’était pas d’un caractère à s’insurger contre une loi, seulement il avait une façon de me regarder en ouvrant la bouche et en écarquillant les yeux, qui ne me rendait pas du tout fier de moi.

Il y avait trois jours que nous avions quitté Varses, lorsqu’il me posa précisément une question de ce genre : au lieu de répondre à son pourquoi : « Je ne sais pas, » je répondis noblement : « Parce que cela est. »

Alors il parut préoccupé, et de toute la journée je ne pus pas lui tirer une parole, ce qui avec lui était bien extraordinaire, car il était toujours disposé à bavarder et à rire.

Je le pressai si bien qu’il finit par parler.

— Certainement, dit-il, tu es un bon professeur,