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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/154

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SANS FAMILLE

et je crois bien que personne ne m’aurait enseigné comme toi ce que j’ai appris ; cependant…

Il s’arrêta.

— Quoi cependant ?

— Cependant, il y a peut-être des choses que tu ne sais pas ; cela arrive aux plus savants, n’est-ce pas ? Ainsi, quand tu me réponds : « Cela est, parce que cela est, » il y aurait peut-être d’autres raisons à donner que tu ne donnes pas parce qu’on ne te les a pas données à toi-même. Alors, raisonnant de cette façon, je me suis dit que si tu voulais, nous pourrions peut-être acheter, oh ! pas cher, un livre où se trouveraient les principes de la musique.

— Cela est juste.

— N’est-ce pas ? Je pensais bien que cela te paraîtrait juste, car enfin tu ne peux pas savoir tout ce qu’il y a dans les livres, puisque tu n’as pas appris dans les livres.

— Un bon maître vaut mieux que le meilleur livre.

— Ce que tu dis là m’amène à te parler de quelque chose encore : si tu voulais, j’irais demander une leçon à un vrai maître, une seule, et alors il faudrait bien qu’il me dise tout ce que je ne sais pas.

— Pourquoi n’as-tu pas pris cette leçon auprès d’un vrai maître pendant que tu étais seul ?

— Parce que les vrais maîtres se font payer et je n’aurais pas voulu prendre le prix de cette leçon sur ton argent.

J’étais blessé que Mattia me parlât ainsi d’un vrai maître, mais ma sotte vanité ne tint pas contre ces derniers mots.