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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/265

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SANS FAMILLE

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montant sur les caisses, je m’assis sur les plus élevées avec Capi entre mes jambes.

De là, je dominais la rivière et je voyais tout son cours de chaque côté, en amont, en arrière ; à droite s’étalait un grand banc de sable que l’écume frangeait d’un cordon blanc, et à gauche il semblait qu’on allait entrer de nouveau dans la mer.

Mais ce n’était là qu’une illusion, les rives bleuâtres ne tardèrent pas à se rapprocher, puis à se montrer plus distinctement jaunes et vaseuses.

Au milieu du fleuve se tenait toute une flotte de navires à l’ancre au milieu desquels couraient des vapeurs, des remorqueurs qui déroulaient derrière eux de longs rubans de fumée noire.

Que de navires ! que de voiles ! Je n’avais jamais imaginé qu’une rivière pût être aussi peuplée, et si la Garonne m’avait surpris la Tamise m’émerveilla. Plusieurs de ces navires étaient en train d’appareiller et dans leur mâture on voyait des matelots courir çà et là sur des échelles de corde qui, de loin, paraissaient fines comme des fils d’araignée.

Derrière lui, notre bateau laissait un sillage écumeux au milieu de l’eau jaune, sur laquelle flottaient des débris de toutes sortes, des planches, des bouts de bois, des cadavres d’animaux tout ballonnés, des bouchons, des herbes ; de temps en temps un oiseau aux grandes ailes s’abattait sur ces épaves, puis aussitôt il se relevait, pour s’envoler avec un cri perçant, sa pâture dans le bec.

Pourquoi Mattia voulait-il dormir ? Il ferait bien mieux