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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/350

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SANS FAMILLE

une grande baraque en planche et deux chariots couverts d’où sortirent des cris de bêtes fauves quand j’approchai ; mais les belles voitures aux couleurs éclatantes de la famille Driscoll, je ne les vis nulle part.

En tournant autour de l’auberge, j’aperçus une lumière qui éclairait une imposte vitrée, et pensant que tout le monde n’était pas couché, je frappai à la porte : l’aubergiste à mauvaise figure que j’avais remarqué la veille, m’ouvrit lui-même, et me braqua en plein visage la lueur de sa lanterne ; je vis qu’il me reconnaissait, mais au lieu de me livrer passage, il mit sa lanterne derrière son dos, regarda autour de lui, et écouta durant quelques secondes.

— Vos voitures sont parties, dit-il, votre père a recommandé que vous le rejoigniez à Lewes sans perdre de temps, et en marchant toute la nuit. Bon voyage !

Et il me ferma la porte au nez, sans m’en dire davantage.

Depuis que j’étais en Angleterre j’avais appris assez d’anglais pour comprendre cette courte phrase ; pourtant il y avait un mot et le plus important, qui n’avait pas de sens pour moi : Louisse, avait prononcé l’aubergiste ; où était ce pays ? je n’en avais aucune idée, car j’ignorais alors que Louisse était la prononciation anglaise de Lewes, nom de ville que j’avais vu écrit sur la carte.

D’ailleurs aurais-je su où était Lewes, que je ne pouvais pas m’y rendre tout de suite en abandonnant Mattia ; je devais donc retourner au champ de course, si fatigué que je fusse.