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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/354

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SANS FAMILLE

— Bon courage, me dit-il à l’oreille, nous ne t’abandonnerons pas.

Et alors seulement il m’embrassa.

— Retiens Capi, dis-je en français à Mattia.

Mais l’agent me comprit :

— Non, non, dit-il, je garde le chien, il m’a fait trouver celui-ci, il me fera trouver les autres.

C’était la seconde fois qu’on m’arrêtait, et cependant la honte qui m’étouffa fut plus poignante encore : c’est qu’il ne s’agissait plus d’une sotte accusation comme à propos de notre vache ; si je sortais innocent de cette accusation, n’aurai-je pas la douleur de voir condamner, justement condamner, ceux dont on me croyait le complice ?

Il me fallut traverser, tenu par le policeman, la haie des curieux qui accouraient sur notre passage, mais on ne me poursuivit pas de huées et de menaces comme en France, car ceux qui venaient me regarder n’étaient point des paysans, mais des gens qui tous ou à peu près vivaient en guerre avec la police, des saltimbanques, des cabaretiers, des bohémiens, des tramps, comme disent les Anglais, c’est-à-dire des vagabonds.

La prison où l’on m’enferma, n’était point une prison pour rire comme celle que nous avions trouvée encombrée d’oignons, c’était une vraie prison avec une fenêtre grillée de gros barreaux de fer dont la vue seule tuait dans son germe toute idée d’évasion. Le mobilier se composait d’un banc pour s’asseoir, et d’un hamac pour se coucher.

Je me laissai tomber sur ce banc et j’y restai long-