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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/356

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SANS FAMILLE

Me serait-il possible de lui démontrer mon innocence malgré la présence de Capi dans l’église ?

Et me serait-il possible de me défendre sans rejeter le crime sur ceux que je ne voulais pas, que je ne pouvais pas accuser ?

Tout était là pour moi, et c’était en cela, en cela seulement que Mattia et son ami Bob pouvaient me servir : leur rôle consistait à réunir des témoignages pour prouver qu’à une heure un quart je ne pouvais pas être dans l’église Saint-Georges ; s’ils faisaient cette preuve j’étais sauvé, malgré le témoignage muet que mon pauvre Capi porterait contre moi ; et ces témoignages, il me semblait qu’il n’était pas impossible de les trouver.

Ah ! si Mattia n’avait pas eu le pied meurtri, il saurait bien chercher, se mettre en peine, mais dans l’état où il était, pourrait-il sortir de sa voiture ? et s’il ne le pouvait pas, Bob voudrait-il le remplacer ?

Ces angoisses jointes à toutes celles que j’éprouvais ne me permirent pas de m’endormir malgré ma fatigue de la veille ; elles ne me permirent même pas de toucher à la nourriture qu’on m’apporta ; mais si je laissai les aliments de côté, je me précipitai au contraire sur l’eau, car j’étais dévoré par une soif ardente, et pendant toute la journée j’allai à ma cruche de quart d’heure en quart d’heure, buvant à longs traits, mais sans me désaltérer et sans affaiblir le goût d’amertume qui m’emplissait la bouche.

Quand j’avais vu le geôlier entrer dans ma prison, j’avais éprouvé un mouvement de satisfaction et comme un élan d’espérance, car depuis que j’étais