Page:Malot - Sans famille, 1902.djvu/30

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Après cette maladie en est venue une autre : il toussait, le pauvre petit, à vous fendre le cœur. C’était comme ça que notre pauvre petit Nicolas est mort ; il me semblait que si je portais celui-là à la ville, il mourrait aussi.

– Mais après ?

– Le temps avait marché. Puisque j’avais attendu jusque-là je pouvais bien attendre encore.

– Quel âge a-t-il présentement ?

– Huit ans.

– Eh bien ! il ira à huit ans là où il aurait dû aller autrefois, et ça ne lui sera pas plus agréable :

– Ah ! Jérôme, tu ne feras pas ça.

– Je ne ferai pas ça ! Qui m’en empêchera ? Crois-tu que nous pouvons le garder toujours ?

Il y eut un moment de silence et je pus respirer ; l’émotion me serrait la gorge au point de m’étouffer.

Bientôt mère Barberin reprit :

– Ah ! comme Paris t’a changé ! tu n’aurais pas parlé comme ça avant d’aller à Paris.

– Peut-être. Mais ce qu’il y a de sûr, c’est que si Paris m’a changé, il m’a aussi estropié. Comment gagner sa vie maintenant, la tienne, la mienne ? nous n’avons plus d’argent. La vache est vendue. Faut-il que quand nous n’avons pas de quoi manger, nous nourrissions un enfant qui n’est pas le nôtre ?

– C’est le mien.

– Ce n’est pas plus le tien que le mien. Ce n’est pas un enfant de paysan. Je le regardais pendant le