Page:Malot - Sans famille, 1902.djvu/36

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– Juste ; parce que…

– Oh ! le motif, vous savez, ça ne me regarde pas, je n’ai donc pas besoin de le connaître ; il me suffit de savoir que vous ne voulez plus de l’enfant ; s’il en est ainsi, donnez-le-moi, je m’en charge.

– Vous le donner !

– Dame, ne voulez-vous pas vous en débarrasser ?

– Vous donner un enfant comme celui-là, un si bel enfant, car il est bel enfant, regardez-le.

– Je l’ai regardé.

– Rémi ! viens ici.

Je m’approchai de la table en tremblant.

– Allons, n’aie pas peur, petit, dit le vieillard.

– Regardez, continua Barberin.

– Je ne dis pas que c’est un vilain enfant. Si c’était un vilain enfant, je n’en voudrais pas, les monstres, ce n’est pas mon affaire.

– Ah ! si c’était un monstre à deux têtes, ou seulement un nain…

– Vous ne parleriez pas de l’envoyer à l’hospice. Vous savez qu’un monstre a de la valeur et qu’on peut en tirer profit, soit en le louant, soit en l’exploitant soi-même. Mais celui-là n’est ni nain ni monstre ; bâti comme tout le monde il n’est bon à rien.

– Il est bon pour travailler.

– Il est bien faible.

– Lui faible, allons donc! il est fort comme un homme, et solide, et sain ; tenez, voyez ses jambes, en avez-vous jamais vu de plus droites ?