Page:Malot - Sans famille, 1902.djvu/38

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– Mettez-en sept, mettez-en huit, je connais les prix, et encore faudra-t-il que vous le nourrissiez.

– Il travaillera.

– Si vous le sentiez capable de travailler, vous ne voudriez pas le renvoyer. Ce n’est pas pour l’argent de leur pension qu’on prend les enfants de l’hospice, c’est pour leur travail ; on en fait des domestiques qui payent et ne sont pas payés. Encore un coup, si celui-là était en état de vous rendre des services, vous le garderiez.

– En tous cas, j’aurais toujours les dix francs.

– Et si l’hospice au lieu de vous le laisser, le donne à un autre, vous n’aurez rien du tout ; tandis qu’avec moi, pas de chance à courir : toute votre peine consiste à allonger la main.

Il fouilla dans sa poche et en tira une bourse de cuir dans laquelle il prit quatre pièces d’argent qu’il étala sur la table en les faisant sonner.

– Pensez-donc, s’écria Barberin, que cet enfant aura des parents un jour ou l’autre ?

– Qu’importe ?

– Il y aura du profit pour ceux qui l’auront élevé ; si je n’avais pas compté là-dessus je ne m’en serais jamais chargé.

Ce mot de Barberin : "Si je n’avais pas compté sur ses parents, je ne me serais jamais chargé de lui", me fit le détester un peu plus encore. Quel méchant homme !

– Et c’est parce que vous ne comptez plus sur ses parents, dit le vieillard, que vous le mettez à la porte.