Aller au contenu

Page:Malot - Sans famille, 1902.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

– Vous avez un père, n’est-ce pas, mon enfant ? me demanda la dame.

– Oui, mais je suis seul en ce moment.

– Pour longtemps ?

– Pour deux mois.

– Deux mois ! Oh ! mon pauvre petit ! comment seul ainsi pour si longtemps à votre âge !

– Il le faut bien, madame !

– Votre maître vous oblige sans doute à lui rapporter une somme d’argent au bout de ces deux mois ?

– Non, madame ; il ne m’oblige à rien. Pourvu que je trouve à vivre avec ma troupe, cela suffit.

– Et vous avez trouvé à vivre jusqu’à ce jour ?

J’hésitai avant de répondre : je n’avais jamais vu une dame qui m’inspirât un sentiment de respect comme celle qui m’interrogeait. Cependant elle me parlait avec tant de bonté, sa voix était si douce, son regard était si affable, si encourageant, que je me décidai à dire la vérité. D’ailleurs, pourquoi me taire?

Je lui racontai donc comment j’avais dû me séparer de Vitalis, condamné à la prison pour m’avoir défendu, et comment depuis que j’avais quitté Toulouse, je n’avais pas pu gagner un sou.

Pendant que je parlais, Arthur jouait avec les chiens, mais cependant il écoutait et entendait ce que je disais.

– Comme vous devez tous avoir faim ! s’écria-t-il.

À ce mot, qu’ils connaissaient bien, les chiens, se mirent à aboyer et Joli-Cœur se frotta le ventre avec frénésie.