Page:Maman J. Girardin.pdf/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Boiteux, oui, mais pas méchant, répondit en souriant Mme Gilbert.

— Vous vous intéressez peut-être à lui ? demanda vivement M. Pichon.

— Je m’intéresse à lui, répondit M’me Gilbert, et il m’a chargé de vous présenter une pétition. »

M. Pichon prit son air le plus attentif, et écouta Mme Gilbert en faisant de petits signes de tête. Tout à coup, avisant le pauvre Michet qui se cachait derrière des tonneaux vides.

« Ici, Michet ! » cria-t-il d’une voix de stentor.

Michet s’avança tout penaud, s’appliquant à boiter le moins possible.

Mais M. Pichon, au lieu de l’attendre, courut au garçon d’écurie, qui amenait les chevaux pour les atteler à la diligence, et l’arrêta tout court, en étendant devant lui le manche de son fouet.

« Voyons si tu sais ton métier, dit-il à Michet, en lui faisant signe d’approcher. Voilà deux chevaux, tu les vois bien ?

— Oui, monsieur Pichon, je les vois bien, répondit Michet avec ce tremblement particulier aux candidats qui comparaissent devant un jury d’examen sévère et redouté.

— Attelle-les, » dit laconiquement le jury d’examen.

Le candidat attela les deux chevaux en moins de deux minutes, montre en main, et, qui plus est, les attela correctement. C’était merveille de le voir sautiller autour de l’attelage, démêler les courroies, serrer les boucles, fixer les ardillons. Son tremblement avait cessé, il opérait avec la prestesse et la sûreté de main d’un escamoteur.

« Tu sais cette partie de ton métier, » dit gravement M. Pichon, après avoir passé l’inspection des harnais avec la dernière minutie.

Ensuite il lui fit subir une sorte d’examen oral sur les chevaux, leurs qualités, leurs vices, leurs fantaisies, les soins qu’il convient de leur donner. M. Pichon connaissait bien son affaire, une question n’attendait pas l’autre ; le candidat était bien préparé, il répondait