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« Et combien de temps serez-vous la-bas ?

— Plus ou moins longtemps, selon que je m’y trouverai bien ou mal. »

Au moment où M. Pichon allait s’enfourner dans le couloir qui conduit aux salles d’attente, un homme de haute taille, coiffé d’une casquette et vêtu d’une tunique à collet rouge, lui demanda où il allait. M. Pichon tressaillit de tout son corps, se croyant trahi.

« Pourquoi me demandez-vous cela ? dit-il d’un air furieux.

— Pour savoir dans quelle salle vous devez entrer.

— Saumur ! » lui dit mystérieusement M. Pichon en se penchant à son oreille.

Par habitude et nullement pour molester M. Pichon, l’employé cria de sa voix officielle: « Saumur, par ici ! »

M. Pichon s’enfuit si prestement et se cacha avec tant d’affectation derrière la porte, que l’employé le poursuivit d’un regard méfiant.

Le soir, entre deux trains, cet employé, prenant un verre de bière en compagnie d’un collègue, lui dit: « Si j’apprends qu’il s’est fait un mauvais coup ce matin à Tours ou dans les environs, j’irai donner au parquet le signalement d’un individu suspect qui a pris le train de Saumur ! »

Heureusement pour la tranquillité de M. Pichon, il ne s’était fait aucun mauvais coup à Tours ni dans les environs. Autrement, il était si facile à reconnaître qu’on l’eût tout de suite retrouvé à Saumur ; les gendarmes l’auraient ignominieusement arraché des bras de sa famille et reconduit à Tours jusqu’à complet éclaircissement de l’affaire.

À chaque station, M. Pichon demandait à ses voisins: « Qu’est-ce qu’ils crient là ? » On lui nommait la station, et il remerciait, en affectant d’avoir demandé cela uniquement par curiosité et pour s’instruire.

Enfin, la voix d’un employé cria: « Saumur ! » et M. Pichon détala avec une grande précipitation.

Quand sa malle fut chargée sur l’omnibus, il demanda au conducteur: « Connaissez-vous Pichon ?

— Quel Pichon ? demanda le conducteur d’un air distrait.

— Pichon le tonnelier ! » M. Pichon espérait obtenir quelques renseignements sur son neveu avant de le dévisager en personne.

« Connais pas. »