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première fois, et où il avait rêvé, en regardant couler la Loire, aux parents qu’il avait là-bas, du côté de Saumur.

« Où est le reste de la bande ? s’écria-t-il tout à coup, comme s’il sortait d’un songe.

— André est en commission, lui répondit sa nièce, et elle regarda du côté de la ville pour voir si elle n’apercevrait pas André ; elle ajouta : « Michel et Jacques sont à l’école ; ils ne tarderont pas à rentrer, voilà qu’il est bientôt l’heure.

— À moins qu’ils n’aillent polissonner un peu par la ville ou sur les bords de la Loire, » dit M. Pichon pour la taquiner.

Malgré la crainte respectueuse que lui inspirait cet oncle tout vêtu de noir, la jeune femme défendit bravement sa progéniture.

« On voit bien, dit-elle avec chaleur, que vous ne les connaissez pas, sans cela vous ne les accuseriez pas de polissonner ; ils ne polissonnent jamais !

—Voilà, s’écria l’oncle Pichon en affectant une grande terreur, une petite poule qui vous saute bien vite aux yeux quand on s’approche de ses poussins. Elle me fait peur. Et toi, André, est-ce qu’elle ne te fait pas peur aussi quelquefois ?

—Jamais, mon oncle, répondit gaiement André ; et il jeta un regard affectueux à sa petite ménagère.

— Nous sommes en famille, poursuivit l’oncle Pichon, n’aie pas peur de parler, mon garçon : est-ce qu’elle ne te mène pas un peu par le bout du nez ? Voyons, là, un tout petit peu.

— Pas du tout, riposta vivement la jeune femme, et ses joues s’empourprèrent ; André est le maître à la maison, comme il convient à un homme, et moi je suis la maîtresse, comme il convient à une femme. Nous nous entendons bien, voilà tout, et c’est la première fois qu’on m’accuse de le mener par le bout du nez. Mon oncle, cet enfant vous gêne, rendez-le-moi.

— Elle est vexée, s’écria l’oncle Pichon, en adressant à son neveu des clignements significatifs de son bon œil. Elle est vexée, et elle n’en est que plus jolie. Ma mignonne, ce que j’en disais c’était pour rire, absolument pour rire, et maintenant je vais vous parler sérieusement. J’aurais choisi moi-même ma nièce entre cent, entre mille, que je ne la trouverais pas plus à mon goût. Que je ne boive jamais un verre de bon vin si je ne dis pas la pure vérité.

— Une jolie nièce, ma foi ! s’écria la jeune femme en rougissant