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Page:Maman J. Girardin.pdf/182

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son petit frère par la même occasion pour se faire plaisir à lui même.

« Il est grand et fort pour son âge, dit l’oncle en l’examinant comme si c’eût été un jeune poulain.

— Il aide déjà son père, dit la mère avec orgueil.

— Sais-tu taper dur ? lui demanda le monsieur il la redingote noire, d’un ton encourageant.

— Oui, monsieur, je tape assez dur comme ça.

— Ne m’appelle pas monsieur, dit d’un ton de reproche l’homme à la redingote noire, appelle-moi mon oncle.

— Oui, mon oncle.

— À la bonne heure ! Mais qu’est-ce qu’il a donc, ce petit diablotin-là ? »

Ces dernières paroles s’adressaient au filleul, qui gigotait de toute la force de ses petites jambes et agitait ses deux bras comme un boxeur.

Ayant suivi la direction de ses regards, l’oncle Pichon put constater que son filleul dévorait André des yeux, et luttait de toutes ses forces pour s’élancer vers lui.

« Concurrence ! dit l’oncle d’un ton de bonne humeur ; allons, ne te fâche pas, et toi, André, viens le prendre. »

André s’avança timidement et prit son petit frère. Une fois qu’il l’eut dans les bras, toute sa gaucherie disparut comme par enchantement. Le marmot lui servait de contenance, et puis il n’était pas embarrassé pour trouver que lui dire, à lui.

La tendresse visible des deux enfants l’un pour l’autre rajeunissait le cœur du vieil homme, et l’avenir lui paraissait de plus en plus rose.

Encore une fois la ménagère sortit de la maison, entendant des voix d’enfants qui babillaient sur la route ; et elle rentra entre deux garçonnets, l’un de neuf ans, l’autre de sept ans, qu’elle poussa vers le philosophe en disant:

« Mon oncle, voici Michel et voici Jacques. »

Jacques, le plus jeune, sans prendre le temps de déposer son attirail d’écolier, s’avança bravement vers l’homme à la redingote noire, lui dit: « Bonjour, mon oncle ! » d’une bonne grosse voix enrouée, et par mégarde lui enfonça sa règle dans les côtes, en l’embrassant.