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Page:Maman J. Girardin.pdf/200

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M. Pichon se tourna tout d’une pièce pour le regarder. Tringlot mâchait tranquillement de la paille.

« Je vous prie de me regarder quand je vous parle, reprit sévèrement le directeur. Qu’avez-vous donc à vous tourner toujours du côté de la pendule, 9 et le directeur saisit une grande règle plate, et se mit à frapper sur le bois du pupitre, à coups redoublés.

M. Pichon n’osa plus parler du cheval et regarda le directeur.

« Est-il vrai, oui ou non, reprit cet éminent fonctionnaire, que vous ayez pris un forgeron pour un tonnelier ?

— C’est vrai, répondit M. Pichon d’une voix faible.

— Est-il vrai, ajouta le directeur, que… »

M. Pichon n’entendit pas le reste de la phrase, parce que le directeur, tout en parlant, frappait à coups redoublés sur son pupitre. Il comprit cependant à la fureur du directeur qu’on l’accusait de quelque chose d’horrible. Le directeur frappait toujours, en grinçant des dents, et M. Pichon faisait de si violents efforts pour deviner quelle horreur il avait commise que tout son corps était couvert d’une sueur froide.

Tout à coup, le directeur, la règle, le pupitre, l’écurie et le cheval disparurent comme par enchantement. M. Pichon se trouva assis sur son lit et se frotta les yeux.

Le soleil du matin entrait par une des fenêtres dans la jolie petite chambre. Cette chambre était si claire, si gaie et si hospitalière, que M. Pichon reprit subitement possession de lui-même.

Sautant à bas du lit, il se précipita sur la carafe, se versa un grand verre d’eau et l’avala d’un trait, sans avoir songé un seul instant à y faire fondre du sucre.

« Ah ! ah ! se dit-il en prêtant l’oreille, voilà les coups de règle qui recommencent ! »

En effet, les coups de règle recommençaient, ou pour mieux dire les coups de maillet du tonnelier et de son apprenti, qui s’étaient mis à l’œuvre dès l’aurore, et frappaient de tout leur cœur.

« J’aime mieux cela, pensa M. Pichon, qui avait encore le cœur tout tremblant ; je ne crois pas aux rêves, comme les bonnes femmes: pourtant celui-là pourrait bien contenir un avertisse-